Migrations et crises
Au cours d’une première table-ronde sur le thème Migrations et crises, trois doctorant·e·s ont présenté leur communication. Celle d’Axel Peugue Simo, doctorant de l’université d’Ottawa, était intitulée Les zones de convergence du nexus humanitaire-développement-paix sont-elles des sites d’expérimentation des transformations de la gouvernance humanitaire au Cameroun ?.
Ousmane Barry, doctorant de l’université Joseph Ki-Zerbo à Ouagadougou, a également présenté sa communication, intitulée Migration, contexte sécuritaire et planification familiale au Burkina Faso. Ousmane BARRY est démographe chargé de la méthodologie, de l’analyse des données d’enquêtes, de recensements et des projections démographiques à l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), au Burkina Faso.
Résumé de sa communication : L’objectif de cette communication est de contribuer au débat scientifique sur les interrelations en migrations féminines, contexte sécuritaire et planification familiale (PF) ; et notamment d’analyser le rôle et les mécanismes à travers lesquels la migration, le contexte sécuritaire et le milieu de résidence influencent le recours ou non à la planification familiale. L’originalité du sujet repose sur, entre autres, la nécessité d’appréhender les liens potentiels entre migration et PF d’une part et crise sécuritaire et PF d’autre part, jusque-là peu prolixe dans la littérature, le tout dans un contexte de crise sécuritaire. Avec la crise sécuritaire et ses conséquences socioéconomiques et environnementales, constituant ainsi un motif de migration affectant aussi bien les hommes que les femmes, il est pertinent de chercher à comprendre et à expliquer les changements qu’elle apporte tant sur les aspects de reproduction que ceux de la mobilité. Afin de fonder empiriquement l’analyse des liens entre la migration, l’insécurité et la planification familiale, il serait plus judicieux de recueillir des données quantitatives et qualitatives sur les questions sécuritaires mais aussi exploiter les sources écrites et orales afin de mieux expliquer les interrelations. Cependant, compte tenu de la complexité liée à collecte des données dans un contexte sécuritaire très volatile, l’utilisation des données secondaires serait plus pratique. C’est pourquoi dans le cadre de cette communication, nous avons utilisé des données secondaires notamment celles collectées lors des trois premières phases du projet Performance Monitoring and Accountability 2020 (PMA2020) (PMA2020). La population cible est l’ensemble des femmes en âge de procréer. Trois méthodes d’analyse statistique sont utilisées pour l’atteinte des objectifs :
- une méthode de décomposition pour analyser les variations dans le temps de la pratique contraceptive suivant le milieu de résidence. Elle permet de mettre en exergue les sources du changement observées dans la pratique contraceptive moderne entre les dates choisies.
- une méthode de discrimination logistique polyatomique : au-delà de mettre en exergue les associations entre statut migratoire et pratique contraceptive, cette méthode permet de vérifier les hypothèses et mécanismes qui pourraient expliquer les différences de comportements entre migrantes et non migrantes selon le milieu de destination ou d’origine des migrantes. En particulier, l’accent sera mis sur la migration urbaine-rurale et celle rurale-urbaine.
- une méthode d’analyse multiniveau : elle permet d’articuler dans un même modèle, de données collectées à des niveaux différents (individu, groupes d’individus, sous-populations, etc.) et de distinguer correctement l’effet des caractéristiques individuelles de l’effet des caractéristiques des divers niveaux d’agrégation considérés, ainsi que d’un effet aléatoire propre à chaque niveau dans le cas des migrantes.
Considérant l’hypothèse de socialisation comme hypothèse nulle, nous nous attendons à ce que l’hypothèse de sélection soit vérifiée pour la migration urbaine-rurale et que celle d’adaptation soit confirmée pour la migration rurale-urbaine. Cette hypothèse est testée aussi bien pour la pratique contraceptive que pour les besoins non satisfaits.
Découvrez ici la communication de Ousmane Barry.
Nous vous proposons la lecture de la communication proposée par la troisième doctorante de cette table-ronde, Ornelle Rosine Tiomo, étudiante en géographie à l’Université de Yaoundé 2 au Cameroun, intitulée Analyse des caractéristiques socio-spatiales et démographiques des réfugiés centrafricains et intégration locale : cas des arrondissements de Garoua-Boulai et Ketté.
Ornelle Tiomo est née à Fokamezo qtier zemlefok (Ouest-Cameroun) en avril 1998. Après le baccalauréat en 2015 elle débute ses études universitaires au campus de l’université de Yaoundé 1 en faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines, au département de Géographie. Après avoir obtenu une licence en géographie physique en 2018, elle poursuit l’année suivante en master. Après sa soutenance de mémoire de Master II en 2021 en Marginalité, Stratégies de développement et mondialisation option Géopolitique, sur le thème : « Le devenir des réfugiés centrafricains du camp de Gado-Badzéré » avec une mention bien, elle débute en 2022 le cycle doctoral au sein du même établissement. Le thème de sa recherche de doctorat s’intitule : « Impact socioéconomique et environnemental de la présence des réfugiés centrafricains dans la région de l’Est – Cameroun : cas de Garoua-Boulai et Ketté ». Travaillant sur les migrations forcées avec le cas des réfugiés, ses travaux sont orientés les questions de recherche de solutions durables, de stratégies d’autonomisation des réfugiés, d’analyse de la mobilité des réfugiés ou encore d’évaluation d’impact de la présence des réfugiés.
Parallèlement, Ornelle Tiomo est infirmière diplômée d’Etat, dévouée dans l’aide qu’elle peut apporter à ses semblables à travers l’écoute, la sollicitude et les soins. Elle est également co-fondatrice et présidente de l’association à but non lucratif : « Hope Innovation Hub », qui œuvre au soutien et l’accompagnement des réfugiés depuis 2023.
Résumé de sa communication : Depuis 2013, la République Centrafricaine (RCA) est en proie à une crise politico-militaire qui a engendré une crise humanitaire majeure. Des milliers de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer pour se réfugier dans les pays voisins, dont le Cameroun. L’Est du Cameroun abrite près de 198 559 réfugiés centrafricains, dont une grande partie se trouve dans les arrondissements de Garoua-Boulai et de Ketté (HCR, 2024). Cette étude se propose d’analyser les caractéristiques socio-spatiales et démographiques des réfugiés centrafricains dans les arrondissements de Garoua-Boulai et de Ketté. L’objectif est de mieux comprendre les enjeux et les perspectives d’une meilleure intégration. Pour y parvenir, la démarche hypothético-déductive a été adoptée et s’est adossée sur la collecte des données de sources primaires et secondaires. Des entretiens ont été menés auprès des personnes ressources. De même, des enquêtes ont été réalisées auprès de 597 réfugiés. Il en ressort que malgré le recasement des réfugiés au sein des sites de Gado-Badzéré et Timangolo, nombreux, parmi eux, poursuivent leur processus de migration vers les villages voisins à la recherche de meilleures conditions de vie. Cependant, leur processus de réinstallation est motivé par plusieurs enjeux socio-spatiaux parmi lesquelles : la disponibilité de l’espace, les similitudes socio-culturelles, etc. En outre, ces réfugiés pour la plupart jeunes, constitués en majorité des hommes parfois sans niveau d’instruction et qui pour la plupart sont mariés avec en moyenne 6 enfants à charge, font face à de nombreux défis pour assurer leur survie. La mobilité sociale de ces derniers dès leur installation présente une dynamique descendante du fait des traumatismes et de la mauvaise adaptation sociale incitant plusieurs à opter pour des retours volontaires librement consentis. Cependant, au vue l’amenuisement des aides humanitaires, ces derniers sont désormais appelés à faire davantage d’effort pour mener de petites activités afin de pouvoir se prendre en charge et garantir leur propre autonomisation. Ainsi, l’intégration locale passe de ce fait, par l’autonomisation des réfugiés et la suppression de la dépendance totale aux aides humanitaires.