Mobilités socio-spatiales
Trois jeunes chercheur·e·s ont proposé leur communication au public sur le thème des mobilités socio-spatiales au cours de la journée d’étude.
Afi Yahomé Ezin, en doctorat à l’université de Lomé, a ainsi présenté ses recherches avec une communication intitulée La migration de la main-d’œuvre réduit-elle la pauvreté énergétique en milieu rural au Togo ?.
Jonathan Jouffe, étudiant de l’Université Libre de Bruxelles, est intervenu sur la question de La mobilité spatiale au prisme des interventions de coopération internationale : le cas de l’enrôlement de la jeunesse africaine dans les projets d’entrepreneuriat agricole. L’objectif de la communication était de montrer comment certains projets de coopération internationale promouvant l’entreprenariat le long des chaines de valeur agricole pouvaient rapprocher certains groupes de jeunes vers de nouvelles opportunités d’emploi et provoquer des effets en termes de mobilité sociales. Pour cela, la communication visait à décrypter la construction de réseaux sociotechniques de certains projets d’entrepreneuriat agricole pour les jeunes afin de comprendre (i) quels sont les critères socio-économiques qui favorisent l’enrôlement des jeunes pour devenir « bénéficiaires » de ces projets et ensuite, (ii) quels sont les effets (attendus ou inattendus) en termes de mobilité sociale pour ces bénéficiaires de projet.
Au cours de cette table-ronde, Cyrille Bassene, doctorant de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, a également présenté sa communication portant sur Les effets des mobilités socio-spatiales sur la circulation (vente, consommation à visée psychotropes) de médicaments psychotropes au Sénégal.
Cyrille Bassene est doctorant au département de sociologie à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal). Il a obtenu son master au cours de l’année universitaire 2019-2020, après avoir soutenu un mémoire sur les pratiques de consommation de viandes de dibi et les représentations des risques sanitaires à Pikine, département de Dakar. Actuellement, il mène une thèse en socio-anthropologie et son sujet porte sur les usages sociaux des médicaments psychoactifs au Sénégal.
Résumé de sa communication : Les travaux en socio-anthropologie montrent que l’usage des drogues ou médicaments détournés de leur usage initial n’est pas déconnecté de la mondialisation, du contact entre sociétés, des échanges ou des mobilités socio- spatiales. Au-delà d’être un objet thérapeutique, le médicament devient, sous l’effet des déplacements humains, un objet qui circule entre pays et acteurs. Ndione montrait dans sa thèse (2017) comment les venants d’Europe emportaient avec eux des médicaments psychotropes pour en donner à leurs pairs ou amis sénégalais. Au même titre, Desclaux et Levy (2003) évoquent que le médicament est non seulement un objet marchand qui circule mais est aussi, et surtout, accompagné de discours et de pratiques. Ce phénomène reste d’actualité dans des régions du Sénégal comme Dakar et Kaolack, qui sont d’importants carrefours routiers entre la Gambie, le Mali, la Casamance et le reste du Sénégal. Par conséquent, les produits en circulation proviennent généralement de la sous-région. Une ville comme Touba, capitale du mouridisme au Sénégal, se présente comme un lieu de stockage où viennent s’approvisionner les grossistes et les détaillants de la capitale de Dakar et d’une grande partie du pays. De même, l’axe Mbour-Saly comprend des stations balnéaires abritant des hôtels et boites de nuit. Sa morphologie urbaine laisse apparaitre un cadre « favorable » au tourisme pour les résidents et les venants d’ailleurs. Dans ce cadre, est observée la présence d’antiquaires qui, à l’origine, ont pour fonction de jouer le rôle de guide touristique. Toutefois des études révèlent un lien intrinsèque entre le tourisme et le trafic et usage de drogue au Sénégal (OGD, 2017). De même, une enquête menée dans le cadre du projet CODISOCS montre qu’à Mbour et à Saly, la totalité des antiquaires interrogés ont détourné des médicaments de leur usage initial. L’objectif de cette communication est de montrer l’influence du tourisme sur la circulation et l’usage détourné de médicaments psychotropes à Mbour et à Saly. L’étude a été réalisée dans le cadre du projet CODISOCS du 15 au 23 juillet 2023 sur l’axe Mbour- Saly auprès de 10 usagers se définissant comme des antiquaires. Les données ont été retranscrites, nettoyées et traitées via le logiciel dedoose. Premièrement, les résultats montrent que les usagers – antiquaires ont été initiés et socialisés aux détournements des médicaments psychotropes dans le cadre de leur interaction avec les touristes venant d’Europe. En effet, le cadre relationnel du tourisme se présente comme un espace de socialisation aux discours, représentations, pratiques autour des drogues et médicaments détournés de leurs usages initiaux. En second lieu, il apparait que le tourisme est une « arène » de compétition entre antiquaires usagers du moment où chacun veut convaincre son client pour que ce dernier ne se rue pas vers un autre. En conclusion, le relation touriste- antiquaire est au-delà du rapport commercial, un rapport social autour des médicaments et des drogues.